Comment faire pour devenir citoyen? Comment vivre la citoyenneté dans son corps? L’éducation à la vie citoyenne existe sous la forme de l’EMC (Education Morale et Civique) depuis 2015 au lycée. Pourtant, cet enseignement ne semble pas sensibiliser suffisamment la jeunesse aux enjeux démocratiques de notre République.
70% des moins de 35 ans n’ont pas voté au premier tour des législatives de juin 2022, une tranche d’âge largement surreprésentée dans les statistiques de l’abstention. L’abstention croissante chez les jeunes est le fruit d’un désintérêt vis-à-vis de la politique et ses représentants. La République est devenue une banalité, un mot creux, quelques lettres écrites sur des papiers officiels, et non plus un idéal pour lequel on se bat. De même pour le vote. Au-delà, cette problématique révèle une méconnaissance des enjeux, du fonctionnement des institutions, et de l’importance des élections. Comment peut-on garantir une culture générale civique à nos jeunes et leur inculquer la praticité de ces responsabilités ? Comment peut-on les aider à se projeter, à se saisir des enjeux, et à pratiquer leurs droits et devoirs citoyens ?
Dans les programmes officiels, « l’éducation morale et civique » doit constituer 18 heures d’enseignement annuel en classe de Seconde. Cette matière est souvent reléguée au rang d’enseignement de seconde zone alors qu’il est primordial. Dans la pratique, le contour de cette matière est assez flou et souvent laissé à la discrétion du professeur : sans moyens, sans outils, sans exemples concrets d’application pratique, il est difficile de s’éveiller réellement à la citoyenneté. Par ailleurs, l’absence d’épreuve d’évaluation (pratique ou théorique d’ailleurs) ne favorise pas l’implication des élèves. Car finalement, n’est-ce pas de l’implication dont il s’agit? L’assimilation d’une leçon ne tient pas tant au nombre d’heures de cours qu’à leur qualité. Une réflexion s’impose donc sur le format de l’enseignement proposé, et la réponse n’est pas, comme on le pense, d’ajouter à la file des heures de cours mal employées.
"L'Éducation Morale et Civique doit impliquer les élèves comme la démocratie implique les citoyens”
Pour former les élèves au débat et à l’élection, rien de tel que de les laisser s’y essayer. Quoi de mieux que d’incorporer des débats dans diverses matières ? La confrontation d’idées est la mère de l’esprit critique et de l’opinion, qui seront utiles pour ensuite se positionner sur divers sujets. C’est une façon d’apprendre bien plus pédagogique.
Dans son essence, l’enseignement civique n’est pas un savoir qui peut se contenter de se transmettre verticalement comme les sciences physiques ou sociales. Il doit impliquer les élèves comme la démocratie implique les citoyens. Les professeurs pourraient alors introduire leurs élèves à l’organisation et l’animation d’un débat public, à l’intelligence collective, et bien sûr au fonctionnement de nos institutions. Il peut ainsi être envisageable d’intégrer le service civique universel au cursus scolaire, et y ajouter systématiquement une formation des jeunes à la pratique démocratique et aux enjeux de la citoyenneté. Et pourquoi ne pas organiser des visites des institutions, ou faire tenir des bureaux de vote ? Tant d’idées circulent déjà : certains instituteurs ont fait participer leurs élèves à un conseil de quartier et ces jeunes se sont rapidement impliqués en se faisant forces de proposition.
Il est fondamental de laisser libre cours au volontarisme des jeunes. Les jeunes veulent s’engager. Il est important que l’école mette en place des dispositifs d’engagement pour accompagner cela. Il existe déjà des formes d’engagement dont les jeunes savent se saisir : les manifestations (marches pour le climat, marche des fiertés, etc.) ou les pétitions sur les réseaux sociaux entre autres ; mais aussi d’autres moins plébiscités par la jeunesse : les partis politiques, dont les adhérents sont en moyenne de plus en plus vieux et qui ne sont plus attractifs pour la plupart des jeunes, sauf les plus politisés, ou encore les conseils de jeunes qui n’intéressent que peu car donnent peu souvent de réelles responsabilités dans la mise en œuvre de solutions.
“L’école n’est pas la seule à pouvoir et devoir faire ce travail de formation de la jeunesse”
Ce désamour de la politique se voit aussi lorsque les jeunes, à 18 ans, se retrouvent confrontés pour la première fois à leur droit de vote. Nombreux sont ceux qui sont perdus face à cette responsabilité. La préparation des jeunes si elle ne se fait pas à l’école, se fait (ou non) à la maison avec les ressources socio-culturelles des parents. Sinon, c’est toute la méritocratie républicaine qui s’effondre. La mal-éducation civique est une usine à abstention. La jeunesse ne demande qu’à s’engager, être dans l’action, mais ne pas leur tendre la main, c’est les chasser du champ démocratique.
L’école n’est pas la seule à pouvoir et devoir faire ce travail de formation de la jeunesse : il est primordial comme nous le voyons dans le supérieur d’inviter les organisations de jeunesses, les associations de la démocratie, les partis politique pourquoi pas, les lobbys… à venir partager un savoir, une expérience et du concret avec les jeunes. Penser qu’ils ne sont pas à même de se faire leur propre opinion ou de prendre la mesure de l’importance de ces rencontres c’est penser qu’on ne peut pas leur faire confiance pour s’intéresser à leur statut de citoyen et citoyenne. Hors comme nous le voyons sur le terrain chaque jour, la jeunesse n’attend que d’être partie prenante de la solution. La crise de la confiance en politique est surtout une crise de la déconnexion. La confiance se doit d’être réciproque : pour la restaurer entre les jeunes et la politique, il faut aussi faire confiance aux jeunes et à leur capacité de comprendre et d’agir.
Si l’on considère que chaque personne a besoin d’avoir foi en quelque chose, il est grand temps que la République redevienne l’espoir en lequel croire, dont l’imaginaire fait de nouveau rêver. Un idéal à poursuivre dont les jeunes générations doivent savoir qu’elles en sont les seuls héritiers. Peut-être alors l’idée républicaine pourra séduire les jeunes à nouveau.
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