La qualité du débat public : une exigence démocratique
En vue des élections municipales de 2020, Démocratie Ouverte propose chaque semaine à un partenaire de prendre de la hauteur sur un sujet de démocratie locale. Cette semaine : Judith Ferrando, présidente de l’Institut pour la Concertation et la Participation Citoyenne (ICPC) et co-directrice de Missions Publiques.
Le débat public, au sens de capacité à débattre dans l’espace public, a progressé ces 20 dernières années, notamment du fait de la multiplication des obligations réglementaires de concertation (urbanisme, environnement, santé…) et des consultations volontaires menées par les communes. Bien qu’ils soient pluriels et pas toujours connus, de nouveaux cadres de références sont apparus : les grands principes de la CNDP, ceux du Grand Débat National, la charte de la participation du public, la diffusion du recours au garant ou encore la myriade de chartes locales. Le nombre de praticiens formés aux techniques de débat public a suivi cette tendance, qu’ils soient agents de collectivités, membres d’associations ou issus du secteur privé. Enfin, la capacité des citoyens à s’informer par eux–mêmes s’est considérablement accrue, ce qui a renforcé leur exigence envers la qualité du débat.
Ces avancées sont notables et doivent être célébrées. Cependant, il existe toujours un sentiment d’inégalité et d’inanité chez les citoyens. « Il n’y a pas de sans-voix, il n’y a que des sans-oreilles». Comme l’illustre cette phrase de Paul Ricoeur, les citoyens demandent que les décideurs prennent au sérieux leur vécu et leur perçu. Ils ont le sentiment (exprimé vigoureusement par les Gilets jaunes et au sein des conférences citoyennes régionales du Grand Débat National) que les « élites » sont déconnectées du quotidien. Ils veulent que leur parole soit transformatrice en étant entendus, pas seulement écoutés.
Ceci nous rappelle que la participation publique n’est ni un luxe, ni une lubie. C’est une exigence démocratique : celle de faire participer les citoyen-ne-s, dans leur diversité, aux choix qui les concernent. Dans ce contexte, quels sont les défis à relever pour les municipalités dans les années à venir pour un débat public de qualité et qui renforce la démocratie ?
L’exigence élémentaire concerne la diffusion d’une information pluraliste, contradictoire et accessible à tous afin de pouvoir mettre en discussion des choix politiques, pas uniquement des options techniques. Ensuite, le débat public nécessite de fixer — pourquoi pas coconstruire ? — des règles transparentes et acceptables par tous pour organiser la mise en débat des conflits et désaccords dans un espace serein, pluraliste et respectueux de chacun. Le troisième défi consiste à faire participer les citoyens volontaires et la société civile locale aux mêmes débats, en prévoyant des règles rétablissant de l’égalité dans la prise de parole et dans les rapports de force. Enfin, il faut impérativement clarifier le rapport à la décision prise à la fin : définir clairement qui la prend et comment, en faisant un retour argumenté vers les citoyens, si possible à travers des organes de suivi ouverts aux habitants. C’est en créant ainsi des espaces où le peuple peut faire cause commune, au-delà des désaccords, dans un cadre de confiance envers les décideurs, que le débat public sera durablement investi par les citoyens.
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