Mettre en place des démarches participatives de qualité : les bonnes questions à se poser

Les élections municipales de mars 2020 offrent une opportunité sans précédent pour renouveler la démocratie locale. Dans cette perspective, Démocratie Ouverte vous donne quelques conseils pour mettre en place des démarches participatives de qualité.

Malgré la réserve pré-électorale, il y a fort à parier que de nombreux candidats à leur réélection manieront l’art de l’ambigüité pendant la cérémonie des vœux pour partager leurs promesses en matière de participation citoyenne. Nous pouvons nous réjouir que la question démocratique soit au cœur de la campagne des municipales, notamment grâce au sursaut d’exigence démocratique qui a marqué 2019 et au développement des outils numériques pendant le précédent mandat. Pour autant, toutes les démarches participatives ne se valent pas. A l’instar du “greenwashing” et des éco-gestes, il existe un “civicwashing” et des offres de participation contre-productives, comme le développe Guillaume Gourgues dans ce regard d’expert.

Comment déjouer les pièges et les erreurs de débutants ? Si vous êtes candidats, nous vous livrons ici quelques clefs pour vous poser les bonnes questions avant de vous lancer.

Comme dans les films à suspens, il est possible d’anticiper la qualité d’une démarche participative en analysant les prémisses de l’intrigue, avec un œil perspicace et un peu de recul. L’intention initiale de l’élu est déterminante. Si de nombreuses raisons reflètent une volonté sincère de transformer la démocratie locale – associer les citoyens aux décisions influençant leur qualité de vie, renforcer le lien social entre les habitants, construire des politiques publiques plus pertinentes… – d’autres sont plus questionnables. Ainsi, si vous souhaitez “faire de la participation” parce que c’est à la mode, qu’il s’agit d’un passage obligé pour “acheter la paix sociale” ou que c’est un moyen de “faire adhérer” les habitants, mieux vaut revoir vos promesses à la baisse, ou ne rien faire du tout. De même si vous n’êtes pas prêt à questionner votre pratique du pouvoir ou si vous lésinez à respecter les règles du jeu d’une démocratie plus ouverte. La participation citoyenne n’est ni une fin en soi, ni un outil marketing au service d’intérêts électoraux. Le risque serait de décevoir les habitants, rarement dupes des faux-semblants, et de nourrir les désirs autoritaristes et populistes.

En revanche, si vous êtes intimement convaincu que les citoyens doivent trouver leur place dans la fabrique des politiques publiques, un champ de possibilités s’ouvre à vous ! Mettre en place une plateforme, organiser une assemblée citoyenne, lancer un cycle d’ateliers publics… De quoi laisser parler votre créativité.

Avant d’opter pour un ou plusieurs outils, prenez le temps de poser le cadre. Nous vous invitons à vous poser une question fondamentale : quel niveau de pouvoir allez-vous partager avec les citoyens sur le sujet que vous allez soumettre à participation ? Trois éléments sont à prendre en compte : Quelle influence souhaitez-vous garder sur la décision finale ? Quel niveau de participation est pertinent au regard de ce sujet précis ? Dans quel mesure les habitants de la commune sont prêts à s’investir sur cette question ?

Il est possible de caractériser plusieurs niveaux de partage du pouvoir (1). Commençons par rappeler qu’un jeu de questions-réponses après une réunion publique n’est pas de la participation. Au premier niveau de l’échelle, se trouve la consultation : elle permet de récolter des idées sur une question ouverte ou des avis sur un projet pré-construit, nourris ou non par des débats préalables (2). Le pouvoir de décision reste entre les mains de l’élu, qui se place dans une logique d’écoute.

Quand il y a négociation, on passe dans une logique de concertation : l’élu compose avec les lignes rouges des acteurs locaux, souvent dans l’objectif d’augmenter l’acceptabilité sociale d’un projet. On parle de codécision à partir du moment où les citoyens partagent un pouvoir effectif avec l’élu, dans une logique de collaboration. La qualité du résultat dépend notamment du niveau d’intégration des citoyens au processus, depuis son élaboration jusqu’à son évaluation. Il est ensuite question de délégation de pouvoir quand celui-ci est entièrement confié à une entité partenaire de la municipalité, par exemple pour gérer un projet ou un établissement. Enfin, on parle de démocratie directe lorsque les citoyens sont décideurs en dernier ressort. En France, elle est limitée juridiquement par l’interdiction du mandat impératif. Ainsi, le résultat de votations citoyennes ne peut pas être reconnu de facto : le Conseil municipal doit voter une délibération reflétant ce résultat pour qu’il rentre en application.

Libre à vous de déterminer le niveau de participation en fonction de votre projet politique, à partir du moment où les règles sont transparentes et le cadre respecté. Il est certain que plus l’enjeu et le pouvoir accordé aux habitants seront importants, plus la mobilisation citoyenne et la culture démocratique s’en verront renforcées. Mais tout ne doit pas être nécessairement codécidé. La frénésie des dispositifs lancés à la va-vite, sur tout, tout le temps épuisent à la fois les habitants et les agents par manque de temps et de moyens.

Aux côtés de la question du pouvoir, figure celle du périmètre de la participation, qui convient de bien définir en amont. Il n’est pas rare que des collectivités locales mobilisent des foules sur des questions très larges et se retrouvent finalement désemparées à l’heure de traiter ces données. Autre écueil : ne pas informer les participants sur les obligations réglementaires ou les contraintes budgétaires à prendre en compte.

Enfin, une fois le cadre de participation clarifié, ces quelques questions vous aideront à choisir les outils qui conviennent le mieux à votre projet politique (3) : quels moyens pouvez-vous y consacrer ? Souhaitez-vous faire appel à un prestataire ou faire monter en compétences les services ? Souhaitez-vous massifier la participation en agrégeant un maximum d’avis ou privilégier la qualité de la délibération en groupe restreint ? Avez-vous besoin d’un outil numérique et si oui, souhaitez-vous privilégier un logiciel open source ?

Si la participation ne s’improvise pas, elle ne doit pas pour autant se réduire à un processus technique. Un ingrédient demeure donc fondamental : votre audace politique !

Notes

Note 01 Cette proposition est librement inspirée des travaux de Sherry Arnstein, ‘A Ladder Of Citizen Participation’, Journal of the American Planning Association de 1969 Retour au texte

Note 02 Notons que les acteurs de l’innovation démocratique ont chacun leur méthodologie et leur philosophie quant à la manière doit se dérouler une consultation. Retour au texte

Note 03 Retrouvez la liste des innovateurs membres de l’association Démocratie Ouverte  Retour au texte

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.