Se donner les moyens de faire vivre le pouvoir d’agir

En vue des élections municipales de 2020, Démocratie Ouverte propose chaque semaine à un partenaire de prendre de la hauteur sur un sujet de démocratie locale. Cette semaine : Julien Talpin, chercheur en science politique au CNRS, co-directeur du GIS Démocratie et Participation. 

Face à l’essoufflement d’une démocratie participative descendante qui est parfois vécue comme une injonction à la participation, la notion de pouvoir d’agir est apparue depuis dix ans comme une alternative possible pour de nombreux militants de la démocratisation de la démocratie. Favoriser l’essor du pouvoir d’agir requiert de s’appuyer sur deux piliers complémentaires : la capacité d’organisation des habitants et la possibilité d’une traduction politique de leur expression.

Pour développer la capacité d’auto-organisation, il conviendrait de favoriser des formes variées de regroupements de citoyens, qu’elles prennent ou non la forme d’associations, à l’instar du community organizing ou des Tables de quartier montréalaises, collectifs inter-associatifs autonomes des pouvoirs publics. Ces formes d’auto-organisation permettent de formuler des idées et des intérêts qui demeurent souvent tus ou invisibilisés dans les dispositifs classiques de participation. La démocratie participative a fréquemment été instrumentalisée contre les collectifs de citoyens, vus comme trop peu représentatifs ou trop vindicatifs. Or le pouvoir d’agir s’exerce d’abord collectivement.

Les conditions matérielles de l’auto-organisation sont ici essentielles. En suivant l’exemple du fonds d’interpellation citoyenne proposé par le rapport Bacqué/Mechmache et la coordination Pas sans nous, il faudrait imaginer des modalités de financement public de ces formes de participation qui garantissent l’indépendance du dispositif. A l’échelle municipale, les subventions aux associations pourraient être attribuées par des commissions mixtes, composées de membres de la majorité, de l’opposition, de citoyens tirés au sort et de techniciens.

Si l’auto-organisation est indispensable au développement du pouvoir d’agir, il lui faut des débouchés afin que la participation puisse infléchir les politiques publiques. Si c’est bien souvent par le rapport de force que les voies minoritaires sont entendues, on peut aussi envisager des formes plus délibératives. Le « groupe de travail » qui avait permis à l’Atelier Populaire d’Urbanisme de l’Alma-Gare à Roubaix dans les années 1970 de renégocier le projet de rénovation urbaine est en cela inspirant. Il montre qu’il est possible de construire des espaces de co-décision rassemblant collectifs d’habitants, citoyens, associations, pouvoirs publics et techniciens.

Les mécanismes d’interpellation citoyenne peuvent être une autre forme de débouché institutionnel au pouvoir d’agir. En hybridant droit de pétition et référendum local, une forme de RIC municipal pourrait voir le jour. Investies par des collectifs citoyens, les campagnes référendaires pourraient devenir de formidables moments de délibération démocratique, ce qui permettrait aux gens de voter en toute connaissance de cause. La vertu de la démocratie directe – qui ne vaut qu’articulée à d’autres formes de délibération collective – est qu’elle vient briser le sentiment d’une participation pour rien, la résignation des citoyens à l’égard de la démocratie participative étant le fruit d’expériences répétées de dispositifs consultatifs.

 

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