Imaginez.
6h30 : le réveil sonne, vous allumez Europe 1.
8h30 : dans le métro, vous passez quelques minutes sur l’application du Journal du Dimanche.
13h : au déjeuner, vos collègues parlent d’une séquence de « Touche pas à mon poste ! » de la veille.
16h : courte pause au travail, vous consultez quelques articles de Capital.
19h30 : avant de dîner, vous regardez Canal+ d’un œil distrait.
A la fin de la journée, la totalité des informations que vous avez lues et écoutées ont été produites par des médias appartenant à une seule personne : Vincent Bolloré. Et il n’est pas le seul à concentrer entre ses mains de multiples médias. Bernard Arnault, Patrick Drahi, Xavier Niel… Au total, moins de dix hommes possèdent l’écrasante majorité des médias d’information politique et générale en circulation dans notre pays.
Au cours des dernières années, la concentration du secteur des médias s’est emballée : de moins en moins d’acteurs économiques possèdent de plus en plus de médias. Or, cette concentration capitalistique risque de mener à une monopolisation de l’expression publique par quelques-uns, et risque de donner une influence surdimensionnée aux actionnaires de ces médias. En effet, en l’absence de garanties solides pour protéger les rédactions et les journalistes, comment faire confiance à une poignée d’individus pour nous informer ? Aujourd’hui, un actionnariat non-régulé et des protections insuffisantes laissent les rédactions vulnérables face à l’influence de leurs patrons sur les contenus produits. Et entre tentatives de censure de reportages sur demande d’un actionnaire, licenciements de journalistes et d’humoristes, interdiction de couverture médiatique dans les colonnes d’un journal d’un documentaire critiquant directement son actionnaire, transformation de chaînes d’information en chaînes d’opinion… la situation est critique.
Toutes les entorses à la liberté de la presse, et toutes les immixtions des pouvoirs économiques et politiques des actionnaires dans la production de l’information, ne font qu’éroder le lien de confiance déjà fragile entre les citoyens et leurs médias. En 2022, moins d’un Français sur trois (29 %) déclare avoir confiance dans les médias selon l’Institut Reuters. C’est moins qu’en Roumanie, en Bulgarie ou encore en Pologne. Alors, comment exercer nos droits démocratiques de manière sereine lorsque nous avons le sentiment que l’accès à une information plurielle et de qualité, produite en toute transparence et en toute indépendance, est en péril ? La protection de l’indépendance des médias est plus que jamais une urgence démocratique. Elle est loin d’être une simple question technique, ou une considération corporatiste qui n’intéresserait que les journalistes ; c’est là l’un des piliers de notre système démocratique. C’était par ailleurs déjà l’une des priorités du Conseil National de la Résistance, en 1944, au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
“La loi de 1986, qui définit les seuils de concentration des médias, est largement obsolète : elle n’inclut même pas les médias en ligne dans son calcul”
Et pourtant, aujourd’hui, les lois de notre pays ne permettent ni de limiter efficacement les effets de la concentration, ni de protéger les rédactions d’influences malvenues. La loi de 1986, qui définit les seuils de concentration des médias, est largement obsolète : elle n’inclut même pas les médias en ligne dans son calcul. Et si la loi affirme quelques grands principes favorables à l’indépendance des médias, ils ne sont pas toujours assortis de moyens opérants de les faire respecter. Par exemple, la loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias du 16 novembre 2016, surnommée « loi anti-Bolloré » à l’époque, inscrit des dispositifs louables dans la loi (la séparation entre activité actionnariale et activité éditoriale des médias, ou l’obligation de publier des chartes déontologiques)… mais sans prévoir de mécanismes permettant de sanctionner de manière effective la violation de ces mêmes dispositifs. En bref, le cadre légal qui entoure les médias est donc généralement obsolète ; et même quand il ne l’est pas, il est insuffisamment protecteur. Pourtant, l’information n’est pas un bien comme les autres : il est urgent que la législation régissant le secteur des médias soit intégralement revue et corrigée.
Pour protéger l’indépendance des médias, des solutions existent : en tant qu’association citoyenne, Un Bout des Médias formule des propositions pour garantir l’indépendance des médias une bonne fois pour toutes. Ces réformes sont rassemblées dans notre appel citoyen Médias 2022 pour l’indépendance des médias, signé par plus de 1 000 personnalités, experts et citoyens, qui exigent que l’on ait, dans notre espace public, collectivement accès à une information pluraliste et de qualité, produite par des journalistes sans subir d’interférence politique ou économique.
Demain, il sera trop tard ; mais aujourd’hui, il est encore temps d’agir. Exigeons de la part de nos politiques le courage de légiférer pour protéger le bien public qu’est l’information.
Deux candidatures vous seront présentées en AG le 29 avril prochain !
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